Réinvestir les journaux et la future AFP, sous contrôle allemand durant la guerre, est un objectif prioritaire de la Résistance en août 1944. Assoiffés d’information après quatre ans de censure et de propagande, les Parisiens vont s’arracher les premiers quotidiens libres.
Grèves, combats de rue, barricades: le 19 août, l’insurrection des résistants est lancée dans la capitale. Imprimeries et salles de rédaction sont reprises dès les premières heures.
“C’est symbolique. Pour la Résistance, il est vital de montrer le changement. Il faut que la presse accompagne cela“, explique à l’AFP l’historien des médias Fabrice d’Almeida.
Parmi ces objectifs, l’agence de presse Havas. Fondée en 1835, elle a été mise sous tutelle allemande en juin 1940 et transformée par le régime de Vichy en Office français d’information (OFI).
Le dimanche 20 août au petit matin, huit journalistes résistants (Claude Martial Bourgeon, Basile Tesselin, Gilles Martinet, Claude Roussel, Pierre Courtade, Jean Lagrange, Max Olivier et Vincent Latève) se retrouvent devant le siège de l’OFI, au 13, place de la Bourse. A quelques centaines de mètres, place de l’Opéra, se trouve encore un Q.G. allemand.
“Je suis monté dans cette agence où j’avais fait mes débuts de jeune journaliste. J’ai prononcé les paroles: au nom de la République, nous prenons possession !“, témoignait Gilles Martinet en avril 1996.
“Rapidement, nous avions mis en marche l’Agence, envoyé des reporters à l’Hôtel de Ville, à la Préfecture de police, et un peu partout dans Paris. Les téléscripteurs fonctionnaient, la plupart des journaux se trouvaient dans cette partie de Paris, libérée des Allemands : nous avons pu envoyer très vite notre premier télégramme“, ajoutait celui qui deviendra le premier rédacteur en chef de l’AFP.
“Besoin de vérité”
L’Agence doit se remettre au travail car les quotidiens “réclament des informations pour pouvoir paraître le lendemain“, écrit Xavier Baron, journaliste de l’AFP à la retraite, dans son livre sur l’histoire de l’agence “Le Monde en direct” (La Découverte), à paraître fin août.
A 11H30, la première dépêche voit le jour avant d’être distribuée par des cyclistes: “Les premiers journaux libres vont paraître. L’Agence française de presse leur adresse son premier service“.
“Il y a une vraie soif d’information et un besoin de vérité. On s’arrache les premiers journaux qui se vendent à des centaines de milliers d’exemplaires“, souligne l’historien Christian Delporte.
Simultanément, les bâtiments des journaux sont repris, presque sans heurts, rappelle son collègue Patrick Eveno. “Les dirigeants et principaux journalistes collaborateurs sont partis très vite, autour du 17 août. Les autres journalistes, les ouvriers du livre et le personnel administratif qui étaient restés avaient maintenu l’outil de production en état de marche“, précise-t-il.
Combat, Franc-Tireur et Défense de la France (rebaptisé France Soir en novembre 1944) s’installent chez L’Intransigeant, journal qui s’était sabordé en 1940 et dont les locaux avaient été occupés par le journal allemand Pariser Zeitung. L’Humanité et Le Parisien Libéré (qui deviendra Le Parisien en 1986) intègrent l’immeuble du journal collaborationniste Le Petit Parisien.
Le Figaro, qui s’était déplacé en zone libre avant de cesser de paraître en novembre 1942, récupère ses locaux parisiens. L’Aube, sabordée en juin 1940, s’installe dans les bureaux du journal Aujourd’hui, coupable de collaboration de plume.
La parution à Paris le lundi 21 août, quatre jours avant l’arrivée de la 2e Division Blindée du Général Leclerc, des premiers journaux sans censure est “le premier acte de la souveraineté nationale retrouvée“, expliquait en 2004 à l’AFP le journaliste et résistant Robert Salmon, co-fondateur de Défense de la France.
Le Parisien Libéré, journal des résistants de l’Organisation civile et militaire (OCM), naît le 22 août, avec à la Une: “La victoire de Paris est en marche !” Le 23 août, l’Aube et Le Figaro reparaissent à leur tour.
Les Parisiens, sevrés d’informations durant quatre années de censure et de propagande, peuvent enfin savoir ce qui se passe dans la capitale, où les déplacements sont difficiles, et lire les communiqués officiels de la Résistance et des armées alliées.
20 août 1944 : Naissance de l'AFP, héritière de l’agence Havas
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