Imaginez une catastrophe digne du Jour d’après, ce film mettant en scène une tempête de neige historique à New York, à l’aube d’une nouvelle ère glaciaire. Selon des météorologues américains cités par le site The Empire news, cette fiction pourrait devenir réalité : une vague de froid massive devrait s’abattre d’ici la fin du mois sur les Etats-Unis, provoquant des chutes et des tempêtes de neige sans précédent. A moins que cette information, partagée plus d’un million de fois sur Facebook, ne soit bien qu’une chimère ?
“Disons que vous avez enregistré un demi-mètre de neige en cumulé la saison dernière. Cette année, la neige devant commencer à tomber dès la fin de septembre ou le début d’octobre, vous pouvez vous attendre à multiplier cette quantité par cinq, dix, peut-être même vingt dans certaines régions. Dans les zones les plus touchées, vous pourriez voir 50 fois la quantité de neige que vous avez connue par le passé”, assure Boris Scvediok, professeur en sciences climatiques, dans les colonnes de l’Empire news, samedi 6 septembre. Les deux-tiers des Etats-Unis seraient touchés, en particulier le Nord-Est et le Midwest, comme le montre la carte qui illustre l’article :
D’autres experts se relayent alors, dans l’article, pour enjoindre la population à acheter des kits d’urgence et faire des réserves de pain et de lait afin de se préparer “à une situation très dangereuse” : “des coupures de courant massives, des températures glaciales et des chutes de neige capables d’immobiliser des villes entières”.
Sur les réseaux sociaux, les internautes reprennent l’information en masse, avec 1,4 million de partages sur Facebook et 2 300 sur Twitter. “Il semblerait que je doive bientôt acheter des bottes pour la neige”, dit l’une, tandis qu’un autre lance “Tenez-vous prêts”.
En réalité, vous l’avez compris, cette information est un hoax, c’est-à-dire un canular. The Empire News n’est rien de plus qu’un énième site satirique, à l’image de l’emblématique The Onion, également aux Etats-Unis, ou du Gorafi en France, comme l’indique un avertissement – certes caché tout en bas du site. De la même façon, le professeur Boris Scvediok et ses confrères cités par l’article n’existent pas.
Quant à ce qui nous intéresse, la probabilité que les Etats-Unis connaissent une vague de froid historique cet hiver, elle est hautement improbable. Le service météo américain, le National Weather Service, prévoit pour les trois prochains mois des températures normales ou même supérieures à la normale pour la majorité du pays, à l’exception d’une partie du sud. De même, les précipitations devraient se situer dans la moyenne, à l’exception une fois de plus du Sud-Ouest, où elles seront supérieures aux normales.
Pour la suite, entre décembre et février, les modèles climatiques prévoient, avec une probabilité de 60 %, un hiver plus doux que la normale dans le nord-ouest du continent nord-américain (Alaska, Canada, Rocheuses), tandis que le Sud-Est (Floride, Texas) connaîtra un temps plus frais et plus humide.
En cause : le fameux El Niño (« l’enfant », en espagnol), phénomène météorologique qui survient tous les trois à cinq ans, et est caractérisé par un fort réchauffement des eaux de surface de l’océan Pacifique équatorial. Réchauffement qui a pour conséquences des perturbations météorologiques de grande ampleur un peu partout dans le monde.
“Le signal très chaud et anormal d’El Niño dans le Pacifique équatorial provoque une réaction de l’atmosphère, une oscillation dans le champ de pressions avec une alternance de creux et de bosses. Le signal va alors se propager jusqu’en Alaska, où il devrait entraîner des conditions anticycloniques, donc un hiver plus doux, puis reviendra vers le golfe du Mexique, où il devrait provoquer des pressions plus faibles”, explique Jean-Pierre Céron, directeur adjoint scientifique de la climatologie à Météo France.
“Les dernières prévisions montrent qu’on a 60 % de probabilités d’avoir un El Niño cet hiver mais qu’il devrait être plutôt faible (+ 1°C pour la température de la surface de l’eau), poursuit le scientifique. Il ne devrait donc pas avoir un effet important sur le vortex polaire, même si cet effet ne peut pas être modélisé plusieurs mois à l’avance.”
Le vortex polaire, souvenez-vous, c’était ce phénomène météo responsable d’une vague de froid et des tempêtes de neige exceptionnelles – véritables, cette fois – aux Etats-Unis l’hiver dernier. Ce régime de vents très violents (autour de 300 km/h), associé au Jet Stream (un bandeau de vents qui sépare l’air froid de l’air chaud entre 8 et 12 km d’altitude), formait des oscillations, laissant alors pénétrer l’air froid de l’Arctique vers des latitudes moyennes. Malgré tout, lors de cette “snowpocalypse”, les chutes de neige cumulées avaient atteint au maximum un peu moins d’un mètre, et non pas dix ou vingt.
Audrey Garric
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Photos : SPENCER PLATT et LUKE SHARRETT / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP
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Non, les Etats-Unis ne seront pas bientôt frappés par un tempête de neige sans précédent
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